L’étude nationale sur les effets éventuels de la période du Covid sur les « mobilités résidentielles » a mené deux géographes de l’université de Perpignan, Aurélie Delage et David Giband, à rencontrer deux couples qui se sont installés en Haute Vallée, après les périodes de confinement. L’occasion de comprendre les motifs d’un déménagement au cœur d’un territoire depuis longtemps connu comme un point de chute de populations en quête de vies en mode alternatif.

« Le marché d’Espéraza n’a pas attendu le Covid pour être connu. » C’est bien à dessein qu’Aurélie Delage, l’une des chercheuses aux manettes de l’étude nationale consacrée aux effets de la pandémie sur les mobilités résidentielles, évoque le rendez-vous dominical de la Haute Vallée : un marché connu et reconnu comme le paradis du bio, des plantes médicinales et autres créations locales, là où le troc peut encore servir et où le SouRiant, monnaie locale, parvient à damer le pion à l’euro.

Dit autrement, un haut lieu de la néo-ruralité, au cœur d’une vie alternative. Symbole d’une Haute Vallée qui attire depuis longtemps les populations en quête de changement de trajectoires. Une attractivité que la pandémie n’a fait en définitive que confirmer, poursuit la géographe : « Il y a toujours de gens en camion, de la cabanisation, des gens qui viennent s’installer parce qu’ils savent qu’on peut y vivre sous les radars. A Quillan, les services techniques de la communauté de communes rencontrés sur place nous ont parlé d’une hausse des sollicitations pour créer des éco-hameaux ou des éco-lieux, qui posent d’ailleurs des problèmes en matière de droit du sol. » La Haute Vallée, toujours et encore une référence pour les alter, donc.

Diversification des profils, avec davantage de porteurs de projets, dans l’artisanat, l’agriculture, le bien-être

Mais avec des nuances notables pour les installations post-Covid : « Les élus nous parlent du maintien de profils liés à une alternative radicale, de refus du système. Ce qu’on remarque d’ailleurs avec le marché d’Espéraza, qui est aussi devenu un haut lieu de la contestation anti-vax, anti-masque. C’est venu se rajouter aux anciens motifs de résistance, avec une image de marque anti-urbain, face à une ville considérée comme un lieu de frénésie, de l’accélération. Certains élus nous ont aussi parlé d’une diversification des profils, avec davantage de porteurs de projets, dans l’artisanat, l’agriculture, le bien-être. » Avec une pandémie qui a pu avoir « un effet moisson, qui a accéléré des décisions prises en amont ». Comme un écho aux travaux de Catherine Rouvière (« Retourner à la terre. L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960 », publié en 2015), « qui avait dégagé cinq générations de néo-ruraux », rappelle Aurélie Delage. Et qui, « pour le milieu des années 2000, distinguait les pirates (les anti-systèmes) des civiques, qui vont avoir une approche plus professionnelle, avec des actes, pour faire changer les choses. On a entendu, dans nos entretiens, des discours sur le désir de retrouver du sens, après un confinement qui avait rendu le retour à la situation antérieure impossible. »

Les restrictions sanitaires avaient traumatisé leurs enfants

Un 2e profil qui semble correspondre à ceux des ménages rencontrés par les deux chercheurs. Deux couples venus d’autres zones plutôt rurales du sud de la France qui ont permis de livrer les « récits de vie » intégrés à l’étude. Et de lire comment le Covid, s’il a pu jouer un rôle, n’est en définitive qu’un point de bascule dans leurs trajectoires vers la Haute Vallée : « Le 1er ménage avait d’abord regardé pour acheter dans les Cévennes : mais d’autres générations d’alter ont déjà fait main basse sur les lieux exploitables pour de la polyculture familiale. La Haute Vallée a fait figure de marché de report. » Un départ pour lequel le Covid a joué le rôle d’accélérateur : « Les restrictions sanitaires avaient traumatisé leurs enfants. La présence d’une école alternative est devenue un critère de choix dans leur prospection élargie au sud de la France. C’est ainsi que l’école alternative Graines de vie, à Quillan (école privée notamment articulée autour d’un terrain de 8 000 m2 en permaculture, Ndlr) a attiré leur attention sur le territoire. » Cet impact du Covid dans le souhait de changer de vie, Aurélie Delage l’a aussi retrouvé dans le 2e ménage, dont l’un des membres avait mal vécu son travail d’« infirmier en Ehpad pendant le 1er confinement ». Pour les deux ménages, la vente de leur maison dans la région de départ permet une « bascule immobilière : ils ont pu s’acheter une plus grande maison, pour mener à bien leurs projets respectifs de reconversion professionnelle »

Deux parcours de vie qui ont aussi démontré que le hasard ne faisait pas tout, loin de là : « Souvent, les gens emménagent dans un lieu où ils ont une attache préalable. Pour l’un, il s’agissait aussi de se rapprocher de sa clientèle, à Espéraza, ou Rennes-le-Château. Le 1er ménage passait lui toutes ses vacances d’hiver sur le plateau de Sault. »

Source sur l’indépendant

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