

La préfecture a accordé 23 dérogations pour permettre à des communes de maintenir des marchés de plein air. La Confédération paysanne espère plus et demande que les clients ne soient pas pénalisés lorsqu’ils se déplacent chez les producteurs.
Après un premier rendez-vous la semaine passée autour de la préfète de l’Aude, une nouvelle cellule de crise consacrée à la profession agricole est programmée le mercredi 8 avril. Une réunion qui permettra sans aucun doute à la Confédération paysanne de remettre sur la table la question des circuits courts, essentiels pour des métiers qui doivent se réinventer en ces temps de confinement. Les trois premières semaines ont en tout cas clairement prouvé le goût retrouvé des Audois pour les produits locaux. Animateur du syndicat agricole dans l’Aude, Olivier Lozat cite pour preuve un groupement d’achat « monté par la Conf’ avec une association qui s’appelle La musette, et qui rassemble une quinzaine de producteurs en Haute-Vallée » : en trois semaines, la structure a déjà conquis 230 clients et a vu son chiffre d’affaires passer de 3 000 à 9 000 €.
« Il y a de l’engouement pour ces circuits courts », conclut donc Olivier Lozat. Avant d’enchaîner : « Mais encore faut-il ne pas l’empêcher de s’exprimer. » Un souhait émis en évoquant le faible nombre de communes autorisées à déroger à la règle de l’interdiction des marchés de plein air, et la limite maximale fixée à dix étals par la préfecture : « Je pense que dans notre département on peut tout à fait organiser des marchés avec plus de producteurs, tout en respectant bien sûr les précautions, avec un barriérage adapté. » Et de former l’espoir que la Ville de Carcassonne, qui devrait présenter une nouvelle demande de dérogation pour son marché de la place Carnot – « à la demande d’une partie de la population et des maraîchers » précise la municipalité – ne soit pas déboutée une 2e fois par la préfecture. Citant, pour finir sur le sujet, les obstacles faits aux producteurs du marché bio de Narbonne qui tentent tant bien que mal de se réorganiser, Olivier Lozat évoque aussi les « freins » qui pénalisent « vente à la ferme et drives fermiers ».
Des clients invités à faire demi-tour ou à aller en grande surface
Un regret illustré par les mésaventures vécues par des clients de Loïc Albert. L’éleveur de vaches laitières à Saint-Julien de Briola, dont l’exploitation produit 170 000 l de lait transformé en yaourts, fromages ou faisselles, évoque des clients en chemin pour un achat en vente directe « à qui des gendarmes ont dit de faire demi-tour ou que c’était la dernière fois qu’ils les laissaient passer » ; autre exemple, des clients qui voulaient « traverser Narbonne pour aller dans une épicerie fine où sont vendus nos produits, à qui on a dit d’aller à Intermarché, parce que c’était plus proche. Mais en grande surface, ils n’ont pas ces produits locaux ». Deux illustrations d’un zèle mal vécu : « Je ne plaide pas pour moi, j’ai la chance que les produits frais soient énormément demandés depuis le confinement, on n’a même pas le temps de préparer les tomes pour l’été. Mais pour les producteurs qui ont perdu les rendez-vous de certains marchés, si en même temps les clients ne viennent plus les voir par peur du gendarme, c’est trop… »
Si Olivier Lozat veut bien entendre que l’approche des vacances a suscité la mobilisation et « mis les gendarmes sur les dents », un autre exemple illustre le zèle pointé du doigt. A la tête du domaine du Clos vagabond, à La Palme, le viticulteur Vincent Kolf a ainsi subi mercredi dernier à Sigean une ubuesque vérification d’attestation de déplacement : « J’avais mon document professionnel, où j’avais inscrit mon Siret. Le policier municipal m’a certifié que les tampons encre étaient obligatoires, me disant que la prochaine fois, c’était une amende. Il y a une dérive. » Depuis, il fait ses déplacements muni de son attestation MSA. Mais rappelle le prix que pourrait payer la filière : « Pour ceux qui faisaient beaucoup de vente directe au chai, ça va être très douloureux. »