

Un réseau d’imprimeurs 3D amateurs s’est constitué dans l’Aude pour fournir des visières de protection aux personnels soignants. 500 visières ont déjà été livrées, grâce à l’aide des pompiers et des pharmacies. Et ce n’est pas fini.
C’est une de ces belles histoires que génère la crise du Covid-19, celle d’une chaîne de solidarité qui s’est montée dans l’Aude, à l’initiative d’un conducteur de travaux de la SNCF confiné dans le centre-ville de Narbonne : Lionel.
L’Aude des imprimeurs 3D
Il y a moins de deux semaines, un mouvement international de propriétaires d’imprimantes 3D réfléchissait en réseau à la création d’un modèle de visière de protection facile à produire pour répondre au manque de matériels de protection partout dans le monde. « Chacun cherchait dans son coin jusqu’à ce qu’une équipe de Suédois développe un modèle international, et qu’un groupe national se concerte pour pondre une version adaptée aux moyens français » raconte le fabricant de visières amateur narbonnais. Restait à mobiliser les imprimeurs amateurs de l’Aude. Ce qui est chose faite depuis dimanche dernier. Ils sont confinés à Pezens, Carcassonne, Trèbes, Villepinte, Villesèquelande, Peyriac-Minervois, Armissan, Narbonne, Fleury, St-André de Roquelongue, La Palme et Salles d’Aude. Dimanche soir, la start-up carcassonnaise Zoltan 3D, équipée de 10 machines professionnelles donnait son accord pour dédier 5 de ces machines au projet. Mardi, les 10 imprimantes tournaient pour les visières made in Aude. Ce vendredi 3 avril, 500 visières ont déjà pu être livrées.
Le modèle en question prévoit 15 grammes de plastique par visière. Sachant qu’une bobine fait un kilo, il y a de quoi s’occuper. À Narbonne, un cabinet d’infirmiers qui avait déjà fait parler de lui en début de crise pour tenter de récupérer des masques de chirurgiens, a ouvert une cagnotte qui a permis l’achat de 15 bobines de fil plastique. Dans l’Aude, le réseau de makers a recours à ses réserves personnelles, et va jusqu’à gérer les stocks entre imprimeurs particuliers par le biais d’un fichier Excel, qui sert aussi à maîtriser les commandes.
Une petite entreprise solidaire
Les premières commandes émanaient de Loïc Astier du cabinet de soins infirmiers SOS Infirmiers à Narbonne, qui ne sait pas que Lionel est confiné à 2 km de son lieu de travail. Loïc a d’abord été contacté par Lionel avant que ce dernier ne monte le réseau, « pour une vingtaine de masques ». Comme ce dernier se disait prêt à en faire plus, Loïc ouvre un groupe Facebook à destination des soignants de Narbonne et des environs : les commandes affluent par mail. Le Service départemental d’incendie et de secours de l’Aude (Sdis) leur met à disposition sa navette logistique pour transporter les visières de Carcassonne à Narbonne, où la demande est la plus forte pour l’instant. Depuis ce vendredi, le groupement Pharmasud (75 pharmacies adhérentes réparties dans 4 départements : Aude, Gard, Hérault et Pyrénées-Orientales) a rejoint le réseau pour le transport et des visières et des matières premières servant à leur fabrication.
À qui sont destinées les visières ?
Actuellement elles sont réservées aux infirmières libérales, aux cabinets et aux médecins. Le réseau livre également les centres COVID de Lézignan et Narbonne et s’apprête à livrer celui de Carcassonne. Le syndicat de police Alliance a approché le réseau, tout comme la police municipale de Narbonne. 170 infirmiers et infirmières de Narbonne et des alentours, passés par l’initiative de SOS Infirmiers sont désormais équipés de ces visières, adoptées par le chef des urgences à l’hôpital Georges-Pompidou Philippe Juvin ( les visières y sont fabriquées par l’Inserm), qui s’exprimant chez nos confères de France Info expliquait : « On est dans une situation qui sort de l’ordinaire, qui est extraordinaire. Donc à partir de là, tous les moyens sont bons. Ça signifie que quand je vais examiner un patient, s’il éternue, s’il crache, s’il tousse, moi, je suis protégé et je ne l’attrape pas. Ça, c’est quand même pas mal« .
Les pompiers de l’Aude, ainsi que les forces de l’ordre ne seront pas oubliés précise le réseau audois de « makers ».
« On les aide pour qu’ils nous soignent »
L’imprimante sert à fabriquer le support, une sorte de serre-tête, sur lequel viendra se clipser la visière proprement dite. « Il s’agit tout simplement d’une couverture transparente de reliure de librairie dans une certaine qualité » précise Lionel. Le serre-tête est produit à partir d’un fil plastique qui passe dans un système de chauffe, avant d’être posé couche par couche à l’endroit précis dessiné sur ordinateur. On parle de « dépôt de matière par filament ». A noter, que les visières ainsi produites sont proposées gratuitement. « On ne veut pas d’argent. du filament, des feuilles oui, mais des euros non » *
« Un maker c’est un particulier qui fait du Do it Yourself, c’est un féru de technologie qui fabrique dans son coin des jouets pour ses petits enfants ou des pièces de rechange, comme nos grands-pères font du bricolage ou de la soudure » explique encore le Narbonnais en précisant qu’il s’agit de machines à 300 ou 400 €, destinées aux loisirs, pas des machines aux capacités industrielles à 2000 € pièce. Ces imprimantes ne permettent qu’une production d’un pièce à l’heure. « J’en fait 20 par jour, ça fait 20 h de loisirs par jour » affirme Lionel en précisant sa démarche « égoïste » auprès des soignants : « on les aide pour qu’ils nous soignent ».
* Le réseau fait un appel aux dons de matériaux. Lieu de dépôt, toutes les pharmacies affiliées Pharmasud (Carcassonne, Narbonne, Trèbes, Capendu, Moix, Lézignan, Port-la-Nouvelle etc…). Sont recherchés : du film transparent, Exacompta 100 couvertures à reliure A4 – plastique 200 microns, transparent Ref. 79417625 ou couverture à reliure PVC minimum 200 microns.