

(AFP) – Un « balcon-concert », une aria à la fenêtre: chaque soir, d’un bout à l’autre de la France, le silence des longues heures de confinement est brisé par des artistes offrant une petite escapade musicale à leur voisins confinés.
« Quand je vois le sourire que j’apporte chaque soir avec mon chant, ça fait plaisir », a affirmé à l’AFP le ténor Stéphane Sénéchal qui chante chaque jour à 19H00 une aria de la fenêtre de son appartement, situé dans le IXe arrondissement de Paris.
« Toute la journée, on nous annonce des choses tragiques, des morts. Là quand je vois des sourires, je vois de l’espoir. C’est un petit moment de liberté, d’évasion », ajoute-t-il.
Il dit vivre dans un quartier où « il y a beaucoup de personnes âgées » et c’est une réflexion d’une voisine de 80 ans au début du confinement qui l’a poussé à chanter à sa fenêtre.
– Célébrer la vie –
« Elle m’a dit +on va se sentir encore plus isolé+. Je répétais à ce moment le rôle de Don José dans Carmen et après cette remarque je suis sorti faire des vocalises à la fenêtre ».
Il commencera par chanter la Marseillaise puis enchaînera chaque début de soirée avec des airs aussi variés que « je t’ai donné mon coeur » de l’opérette « Le pays du sourire », « Piensa en mi », la chanson « Caruso », « l’hymne à l’amour » d’Edith Piaf » ou encore un « Ave Maria », dédié « à tous les souffrants ».
Ou encore un célèbre air de l’opéra Tosca de Puccini, « E Lucevan le stelle » dont la dernière phrase est pour Sénéchal très symbolique: « E non ho amato mai tanto la vita! (Je n’ai jamais aimé autant la vie); on prend en effet conscience de l’importance de la vie. Et on ne peut pas baisser les bras maintenant », dit-il.
Il semble avoir touché non seulement ses voisins mais au-delà. « Un malade atteint du Covid-19 et hôpitalisé à Bichat a vu une de mes vidéos et m’a dit +continuez+; pour moi la partie est gagnée ».
Depuis le début du confinement en France, à l’image des voisins italiens et espagnols, les initiatives fleurissent: la ville de Montreuil est particulièrement active, partageant régulièrement des vidéos d’une violoniste, d’un guitariste ou d’un chanteur à leurs balcons.
Sur les réseaux, l’intiative « BachDesBalcons », lancée par Classical Revolution France, un mouvement importé des Etats-Unis, incite des musiciens à jouer du Bach à leurs fenêtres.
– De l’Occitanie à l’Alsace –
« On est des dizaines chaque semaine à jouer, de Montpellier à Paris, en passant par Nantes, Strasbourg ou Lille », dit à l’AFP Sarah Niblack, directrice de Classical revolution France.
« Bach est le plus grand des compagnons, on est jamais seul avec sa musique », assure cette Américaine qui vit depuis plusieurs années en France. Installée à Prades (Pyrénées Orientales) depuis le début du confinement, elle se dit heureuse d’apporter du « réconfort et un petit moment où les gens se rassemblent », en ces temps d’isolement.
« Les gens me reconnaissent maintenant, même quand je fais mes courses avec masque et gants, on me dit dans la rue, +tu es la fille qui joue du Bach », rit cette altiste intermittente qui joue dans plusieurs orchestres nationaux et qui a vu six de ses contrats annulés d’un seul coup.
« On n’est pas utile dans un hôpital mais on peut faire une petite différence dans la vie des gens. Ils apprécient qu’on pense à eux ».
A Paris également, du haut du balcon de son appartement donnant sur le boulevard Saint Michel, Camilo Peralta, violoncelliste à l’Orchestre national d’Ile-de-France, joue des suites de Bach à midi, au plaisir des voisins mais aussi des quelques rares passants.
« On reste inévitablement rattrapé par la situation car à chaque fois que je joue, il y une ambulance qui passe », témoigne-t-il.
A Mulhouse, durement touchée par l’épidémie, la violoniste Jessy Koch joue chaque jour à 18H30 sur son balcon: « ce n’est pas évident de bosser tout seul, sans but. Et là j’ai commencé à avoir un petit public qui attend le petit concert. La vie continue ».