

Si le confinement a mis un coup de frein ou d’arrêt à l’économie locale, il est une activité parallèle qui, elle, en souterrain continue, même à moindre cadence, de fonctionner à Perpignan : le trafic de drogue.
Sur les points de revente habituels identifiés dans la ville, ils sont toujours là. Au vu et au su des passants et des riverains. Mais aussi sur les caméras de surveillance. Loin de rester chez eux, les dealers continuent de sortir dans la rue et de camper des heures entières, au grand air, sur leur territoire.
Quitte, même, à aller solliciter des masques de protection à quelques voisins, sans aucun lien avec leur négoce, pour pouvoir assurer le business et accueillir le client « en drive » sans prendre de risque… du moins avec la maladie. Quitte à ce que quelques infirmières, soucieuses de la santé publique et d’éviter la propagation à tout prix, ne s’arrêtent en chemin pour leur dispenser quelques conseils sur les gestes barrières. Par exemple, leur recommander de répartir les produits stupéfiants et l’argent dans deux sachets différents. Et de veiller à ce que celui qui manipule le cannabis ou autre substance illicite, ne touche pas les billets et vice-versa.
Parmi ces « hauts » lieux notoirement connus pour la revente de produits stupéfiants, la cité Clodion semble désertée assurent certains témoins, tandis que la résidence des Oiseaux demeure relativement calme, avec un ou deux guetteurs immuables au pied des immeubles. Mais, au-delà de tout confinement, trois points noirs en matière de drogue subsistent dans la ville. Dans les escaliers des HLM Bétriu où 10 à 15 mêmes irréductibles ne lâchent pas l’affaire ou font la navette en non-stop sur la place des potiers. Et ce, jusqu’à 2 heures du matin. Au Champ de mars où les négoces jouent plus encore les prolongations jusqu’à 3 ou 4 heures du matin, constatent les services de nuit, et à Saint-Mathieu enfin où « le marché explose » confie-t-on et tourne, là, H24.
« Moins d’activité mais ça continue »
« ça s’est largement ralenti, peut-être parce que les clients ont peur aussi », tempère pour sa part le maire Jean-Marc Pujol, sous le contrôle de ses services et de la police. » À Bétriu, sincèrement, il y a 60 % de deal en moins qu’habituellement », reconnaît presque naturellement cet habitant de la cité. « Mais tous les soirs, il y a quand même les gazeuses ». Autrement dit, des opérations de CRS, mobilisés en renfort pour faire respecter les mesures sanitaires et le couvre-feu, qui tenteraient de chasser et dissuader les revendeurs avec des projections de fumigènes. « On subit à la fois les dealers et la fermeté de la police. On est dans des HLM, on est confinés, on est entassés et en plus on ne peut plus respirer ».
» Il y a moins d’activité c’est sûr, mais oui ça continue », lâche enfin un membre des forces de l’ordre. Car, tous les jours, sans exception, au moindre regroupement repéré ou signalé par le centre vidéo, les policiers nationaux et municipaux interviennent, enchaînent sans cesse les « descentes » pour disperser les attroupements suspects. Ils verbalisent les individus qui présentent des attestations, « rarement en règle ou totalement farfelues », pour justifier de leur présence. Un vrai jeu du chat et de la souris, sans fin. À peine les personnels de sécurité sont-ils repartis que les revendeurs, ou d’autres encore, réapparaissent, reprennent position ou assurent discrètement leur tour de guet.
Le commerce en toute illégalité reprend ses droits, encore approvisionné peut-être par petites quantités et par les petits chemins de terre frontaliers, car l’arrivage de drogue en France aurait chuté d’environ 80%. Ou plus vraisemblablement en puisant dans les stocks qui justement, au fil des semaines, s’épuisent. De fait, les prix de la cocaïne notamment, mais aussi du shit, grimpent. Et face à la fermeture des frontières, y compris celles du Maroc et le ralentissement majeur du trafic routier, les trafiquants voient leurs schémas traditionnels bouleversés et sont vraisemblablement amenés à réorganiser la logistique. En privilégiant, dans cette branche aussi, le circuit court et… les plantations locales.